Vous, je ne sais pas, mais personnellement, j’ai découvert le terme miscellaneous dans le magazine américain DownBeat dont le poll annuel comporte une catégorie «miscellaneous instrument». Sans doute à la recherche d’une info concernant Toots Thielemans qui la remporta régulièrement durant cinq décennies dont la dernière fois en 2012 à l’âge de 90 ans! Intuitivement, j’avais supputé que sa traduction soit divers ou quelque chose d’approchant — le terme provient du latin miscellaneus signifiant mêlé ou mélangé. Il fut beaucoup plus malaisé d’en déterminer la prononciation — au choix, miss·a·lay·nee·us, mi·suh·lay·nee·uhs ou mɪ·sɪ·ˈleɪ·nɪəs — et davantage encore de le dire correctement.
Ce mois-ci, sans l’avoir prémédité, proposition est faite de vous intéresser à ces instruments, et à leurs hérauts, qui ne sont pas (ou plus) les plus courus. A commencer par la flûte qui est loin d’être associée au jazz dans l’esprit des gens. La soirée «Flûte(s) alors!», organisée en collaboration avec l’An Vert ce 1er mars (!), est une invitation à saisir. La première partie présentera un survol de l’histoire de la flûte dans le jazz avec la projection de documents, commentés par Jean-Pol et Pierre Bernard, flûtiste émérite. Celui-ci, en compagnie de Jacques Pirotton et Basile Peuvion, donnera ensuite un concert.
La clarinette, elle, a connu son heure de gloire dans le jazz avec Benny Goodman, Artie Shaw ou Jimmy Dorsey et leurs orchestres, souvent blancs par ailleurs. Ils furent très populaires de la fin des années 30 jusque dans les années 50 avant que l’instrument ne perde de son audience. Aujourd’hui, ce bois connaît un certain regain dont témoigne par exemple Aurélie Charneux, très active en 2024 sur les scènes liégeoises (Jazz à Liège, Fête de la musique, Jazz04 au fil de l’eau…). Elle se livre à ce sujet et sur d’autres dans nos colonnes.
Last but not least et même first of all, Rahsaan Roland Kirk, choisi pour notre soirée vidéo mensuelle. Si on le qualifie d’homme-orchestre, il faut d’emblée affirmer qu’il ne s’agit pas du Rémy Bricka du jazz, ni d’un phénomène de foire, ni d’un clown. Alors qu’il n’avait pas encore dix-huit ans, il fit un rêve qui le bouleversera, se voyant jouer de trois saxophones en même temps. Le rêve devint réalité et c’est cette image-là qu’il a laissé dans notre imaginaire.
Au rayon miscellaneous, il s’impose certes comme personne, jouant d’instruments inusités que sont le stritch et le manzello ou carrément inventés par lui tels le… trumpophone (trompette modifiée). Pourtant, ni prouesse, ni épate dans sa démarche, mais la recherche inlassable de nouveaux sons et la trouvaille de techniques inédites comme le chant flûté. A la fois passeur et novateur, swinguant et libertaire, c’est un musicien parfaitement inclassable qui s’inspira d’Edgar Varèse, écoutait les pygmées et fit la jam avec Jimi Hendrix.
Ce fut aussi un citoyen engagé dans la lutte pour les droits civiques, fondateur du Jazz and People's Movement auquel participèrent Lee Morgan, Archie Shepp, Pharoah Sanders, Elvin Jones et des dizaines d’autres. Ce fut enfin un homme courageux, devenu aveugle à deux ans. Hémiplégique à la suite d’une rupture d’anévrisme en 1975, il adapta ses instruments pour continuer à jouer. Il disparut bien trop tôt, en 1977 à l’âge de 42 ans. A (re)découvrir ce 21 mars pour apprécier la personnalité musicale exceptionnelle qu’il demeure!
J.O