Vous trouverez ici les interviews de musiciens et autres personnalités du jazz réalisées par Olivier Sauveur et parues dans le mensuel Hot House.
focus L'AN VERT
Interview de Jo Mauceli, réalisée par Olivier Sauveur le 25/09/2021 à Liège.
Comment l’idée d’ouvrir une salle de concert t’est-elle venue?
Je viens du milieu artistique, je suis diplômé de l’académie des beaux-arts, en Italie je peignais des tableaux et je faisais de la sculpture. En arrivant en Belgique j’ai donc cherché tout naturellement dans cette voie, j’ai fait pas mal de bénévolat, travaillé au théâtre Le Moderne à Liège pendant deux ans et au théâtre du Méridien à Bruxelles, j’y faisais les créations lumières. J’avais dans l’idée de créer ma propre asbl, j’ai long- temps cherché et L’An Vert a enfin vu le jour le 11 mai 2002. J’y ai d’abord organisé des ateliers d’art plastique et quelques concerts et, petit à petit la musique a pris le dessus sur les ateliers.
Parle-nous un peu des concerts...
La programmation y était hétéroclite et différente des autres salles, avec le temps nous l’avons quelque peu orientée. Nous avons toujours programmé du jazz parce que j’aime cette musique. Lorsque Nadine est arrivée en tant que coordinatrice, elle m’a encore plus motivé dans cette direction. Aujourd’hui nous sommes essentiellement jazz mais pas que, nous restons ouverts à tous les styles musicaux, il n’y a presque que le hard-rock que nous ne faisons pas. Nous devons respecter les horaires et faire attention au volume sonore pour le voisinage, il nous faut faire des compromis pour que tout le monde s’y retrouve et que L’An Vert puisse continuer à vivre.
L’An Vert se situe en Outremeuse, sa localisation était-elle un critère?
J’ai toujours aimé ce quartier, j’y ai habité pendant des années avant d’ouvrir L’An Vert et maintenant je vis au deuxième étage de la salle. C’était évident pour moi de vivre en Outremeuse car c’était là où tout se passait. Et lorsque je suis arrivé en Belgique en 1981, on m’a directement emmené au Cirque Divers, de plus je venais d’une île tout comme Outremeuse, donc tout me semblait cohérent.
D'où vient le nom de L'An Vert?
Au départ, nous voulions un nom qui fasse notamment allusion à la notion de l'envers du décor. L'idée était également de faire référence à une année verte dans le sens fertile, pleine d'espérances et de créations avec l'intention aussi d'établir un jeu de mots comme pour le Cirque Divers ou le Lion s'en- voile. Et c'est l'An Vert qui s'est imposé. Ensuite, l'identité a été renforcée par l'intervention du graphiste Pierre-Yves Jurdant qui, pour la première fois, a inversé certaines lettres et nous a offert un logo ultra simple et hyper efficace. Depuis, cette inversion est devenue sa marque de fabrique (Cité Miroir etc..).
Une belle histoire de bientôt 20 ans...
Oui, nous avons commencé « petit ». Tout ce qu’il y a dans le bar n’y était évidemment pas, il est maintenant rempli de souvenirs, de rencontres et d’expositions. Tout a heureuse- ment bien évolué au niveau de la sonorisation et un plancher remplace le tapis et le béton.
Lorsque des étudiants étrangers arrivent en Belgique, on les emmène généralement au Pot-au-Lait pour boire un verre et à L’An Vert pour assister à un concert...
C’est vrai que nous avons souvent la visite de jeunes étrangers, cherchant quelque chose de différent mais de qualité, nous programmons énormément de choses mais nous es- sayons toujours qu’elles soient de qualité.
Je me souviens qu’à son ouverture, les amateurs parlaient d’une salle underground...
Oui en effet, nous étions considérés un peu comme cela. L’An Vert pour moi est une personne morale et physique en même temps. Lorsqu’on est jeune on fait différentes expériences, on évolue, on murit et un jour il faudra bien aussi mourir (rires)!
As-tu une idée du nombre de concerts que tu as organisés ici?
Nous organisons de trois à quatre concerts par semaine, ce qui fait déjà une moyenne de cent-vingt soirs par an, de nombreux cinéclubs, des expositions... depuis dix-neuf années, cela fait un paquet de soirées!
Tu dois avoir de nombreux souvenirs mais un concert t’a-t-il marqué davantage qu’un autre?
Il y en a beaucoup en effet, des concerts pendant lesquels tu te dis « waw », où tu es aux anges comme on dit à Liège, mais il y en a tout de même un qui me vient à l’esprit. A une époque nous prenions contact avec deux musiciens qui n’avaient ja- mais joué ensemble, ils arrivaient donc sur scène sans avoir préalablement répété. Ce soir-là, nous avions invité les bat- teurs Igor Molchanov et Carton. Le premier avait une batterie classique et le second une électronique, et je me souviens que leur set était très évolutif, la sauce a pris dès le départ et leur musique est montée jusqu’à un état de grâce, je me suis dit que nous touchions au domaine du sacré!